samedi 29 décembre 2012

Le pot de fiel contre le pot de miel



Une fois, il était
Une fois, il sera
Plus je dirai, plus je mentirai
Je ne suis pas là pour dire un conte de vérité

                Sur les monts qui surplombent la petite ville de Chelm, dans la forêt profonde inaccessible à l’homme, près de la rivière folle à la mélodie joyeuse, dans une tanière obscure, dor Petit-père de la montagne.
Petit-Père de la montagne est un ours tout ce qu’il y a de bien léché. Souverain admiré par tous les animaux, menace pour les hommes de la vallée, quand commence notre histoire, notre ours dort comme un loir. Drôle de plantigrade. Il hiberne. Quand Décembre, dans son manteau de givre, est venu le saluer, il lui a fermé la porte au nez, et un à un tous ces volets et lui a dit : « Désolé, l’ami mais le froid, ce n’est pas pour moi. Repasse donc en avril ». Mais Décembre est susceptible. Alors pour se venger, il lui a gelé le bout de ses pattes avant, et dans un faux mouvement, les pattes se sont brisées, et Petit-père est devenu manchot. Plus moyen de se tenir chaud.
Il dort, Petit-père, il dort, mais n’a plus assez de réserves pour tenir l’hiver. Alors il se réveille, il a faim. Maigre Petit-père, il n’a plus que la peau sur les os. Seulement en cette saison, il n’y a plus grand-chose à se mettre sous la dent. Il reste bien le village de Chelm, les cheminées qui crachent des serments de chaleurs, et l’odeur alléchante de la viande qui cuit. Il se dit : « Tant pis, malgré le risque, je m’y rends, mais discrètement ». Petit-père de la montagne, sur ses deux pieds, descend prudemment. S’agit de pas se faire repérer.
À l’orée du village, sur le chemin qui mène à la gare, se tiennent deux maisons. L’une toute blanche, et l’autre noire. Ici vivent deux frères : Moszek et Yitzhak. Moszeck, le peureux et Yitzhak, l’ambitieux. Voilà bien longtemps qu’ils ne se parlent plus. À cause de quoi ? D’un héritage qui a mal tourné, d’une fortune qui leur est passée sous le nez. La mère leur avait dit : « Quand le silence est d’argent, c’est que la parole y dort ». Ils n’avaient pas compris et donc, ils se sont tus.
Sur le rebord de la fenêtre de la maison blanche, la maison de Moszeck, se tient un pot miel. Petit-père de la montagne, ours manchot, qui n’a plus que la peau sur les os, s’approche pour s’en emparer. Hélas sans pattes, il tourne autour du pot, et ne sait comment faire. Il tourne, cherche, réfléchit, grogne, crie, mugit. Et tout ce boucan alerte Moszeck. Moszeck, le peureux, qui risque un œil par la fenêtre, et puis qui voit un ours. Près de sa fenêtre. Stupeur. Et puis terreur. Désemparé, il se rue chez son frère.
« Yitzhak, Yitzhak, il y a un ours devant ma fenêtre, un ours sans pattes, un ours qui n’a plus que la peau sur les os. Yitzhak, aide-moi ! » Yitzhak, l’ambitieux, a entendu son frère. Il réfléchit. Une peau d’ours, cela vaut cher. Seulement voilà, la peau abrite l’ours, et même sans pattes, un ours reste dangereux. Il lui faut chercher de l’aide. Il sort et dit à son frère : « Il nous faut aller trouver Yehiel, le chasseur, qui nous dira comment faire ». Et sur ces bonnes paroles, se rendent à la maison de Yehiel.
Petit-père de la montagne, pendant ce temps, tourne toujours autour du pot, autour du pot de miel, et c’est un vrai supplice. Il lui faut de l’aide. Arrive à ce moment-là, une petite fourmi qui avance doucement, prudemment, petit à petit, à petits pas, petit pas de fourmi.
« Sœur fourmi, sœur fourmi, je t’en prie aide-moi. Je sais comment faire pour attraper ce pot de miel. »
« Petit père, je veux bien, mais comment ? Je suis bien petite et bien faible »
« Appelle donc tes sœurs ! À force d’être debout, il me semble que j’ai des fourmis dans les jambes, appelle-les donc ! »
La fourmi appelle. Et ses sœurs descendent des jambes de Petit-père. Petit à petit, à petits pas, les fourmis grimpent sur la fenêtre.
Les deux frères, de leurs côtés, arrivent chez Yehiel, lui expliquent le problème. Yehiel réfléchit. Une peau d’ours, ça vaut cher. Seulement voilà, la peau abrite l’ours, et même sans pattes, un ours reste dangereux. Il va risquer sa peau pour une peau d’ours. Donc il la veut pour lui.
« Mais Yehiel, dit Moszek, c’est moi qui ai vu l’ours, sans moi, vous n’auriez pas su ».
« Pardon, répond Yitzhak, tu avais tellement peur, c’est moi qui ai eu l’idée d’aller voir Yehiel ».
« Certes, dit Yehiel, mais sans moi, vous n’arriverez pas à le tuer ».
                Et voilà les trois hommes qui se disputent et qui tournent autour de la peau, tournent et retournent le problème dans tous les sens. À qui reviendra la peau quand l’ours sera tué ? Comme ils n’arrivent pas à se mettre d’accord, ils décident d’aller trouver rabbi Razon. Et les voilà partis tout les trois, l’homme qui a vu l’ours, l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours, et l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours, tout ce petit monde se rend chez le rabbin.
                Devant chez Moszek, les fourmis ont enfin réussi à atteindre le pot de miel, elles s’unissent pour le soulever. Mais sur le toit jaillit Sarah. Sarah est la chatte de Rabbi Razon. Et par ce grand froid, Sarah à ses chaleurs. Elle est de mauvaise humeur. Va donc trouver un matou par les temps qui courent. Pas le moindre minou, pas le moindre minet même minable. Et ça la fait bouillir. Elle voit l’ours, les fourmis, le pot de miel, elle comprend ce qui se trame. Alors elle miaule, elle s’égosille, quitte à perdre la voix, à attraper un chat dans la gorge. Au moins, elle en aura un sous le coude.
« Tais-toi, s’il te plait, tais-toi, lui demande Petit-père de la montagne, tu vas rameuter tout le monde. »
« Et alors, c’est exactement ce que je veux ! Tu as faim, et bien moi aussi. Hélas, je ne trouve rien à croquer. Si je n’ai pas ce que je veux, je ne vois pas pourquoi toi, tu y arriverais ».
« Je t’en conjure, sois gentille. Je ferais tout ce que tu veux ».
« Ce que je veux ? Mais Petit-père, ce que je veux, c’est des caresses, de la tendresse, de l’ardeur, du désir. Comment toi, un ours, qui n’a même plus de bras, pourrais-tu me donner ça ? ».
Arrive à ce moment-là dans l’histoire, un Rom, un Tsigane, un Gitan, qui comprend la langue de tous les animaux, de l’ours, de la fourmi et du chat. Il a tout entendu. Il s’approche et dit : « Petit père, j’ai ce qu’il te faut. Donne donc ta langue au chat, donne-lui ta parole que tu feras ce qu’elle veut, je me charge du reste… » Petit-père promet une fois, deux fois, trois fois. La parole est donnée, la promesse est fête. Sarah attend, espère, contemple le prodige. Le tsigane donne le miel à l’ours, miel couleur soleil, sucré comme le bonheur. Une fois Petit-père rassasié, la peau commence à lui tomber. Il veut la ramasser mais le tsigane lui dit :
« Ce veulent les hommes, ce n’est que ta peau ; abandonne-la, fais donc peau neuve. Abandonne ta peau de chagrin, je te donne une peau de chat ». Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Petit-père se glisse dans la peau d’un chat. Il grimpe sur le toit, et se frotte à Sarah. De la voir de si près, si belle et désirable, il s’en approche et … Mais dire la suite ne serait pas convenable. Tout ce que dit l’histoire, c’est qu’ils ne se sont plus quittés et que très vite Petit-père a eu Sarah dans la peau.
Pendant ce temps chez le Rabbi Razon, les trois hommes écoutent les paroles du Rabbi. Des paroles sages et sincères, couleur soleil, sucrée comme le miel, espoir de bonheur. Quand ils arrivent devant la maison de Moszek, plus de miel, plus d’ours, juste sa peau. Manque de pot, ça arrive mais maintenant, à qui la peau ?
« Pas d’ours à chasser, je n’ai rien fait, cette peau n’est pas pour moi » dit Yehiel.
« Pas d’aide salutaire, pas de conseil éclairé, je n’ai rien fait, cette peau n’est pas pour moi » dit Yitzhak.
« Quant à moi je n’ai rien fait, vraiment rien pour la mériter, cette peau n’est pas pour moi » dit Moszek.
Ils sont donc allés l’enterrer sur les monts qui surplombent la petite ville de Chelm, dans la forêt profonde inaccessible à l’homme, près de la rivière folle à la mélodie joyeuse, dans une tanière obscure, là où dormait Petit-père de la montagne. Puis ils sont rentrés chez Moszek. Pour boire quelques rasades de vodka, accompagnées de crêpes au miel. Ils ont parlé toute la nuit, ils ont réfléchi à ce que leur avait dit le rabbin :
« Quand le silence est d’argent, c’est que la parole y dort ».

La petite fourmi, elle, a tout vu, tout entendu. C’est elle qui, un soir de grand froid, est venue me trouver pour me raconter cette histoire puis elle s’est blottie dans ma mémoire.
Les paroles se sont envolées et mon conte est terminé.



jeudi 27 décembre 2012

Du départ de mon chat (mais pas que...)



Mon pote Gaby, il dit toujours : « La chair triste est là, car j’ai bu tous les litres ». Eh oui, je te préviens, toi qui me lis, ce soir, je ne suis pas d’humeur. Je suis un peu triste, car je me sens un peu seul. Je suis même obligé de picoler pour voir double et ainsi pouvoir me tenir compagnie. Et dire que ma mère m’a défendu les mauvaises fréquentations.
Mais faut admettre aussi que j’ai des raisons de picoler… Mon chat est parti… c’est con, je l’aimais bien. Mais il m’a dit aujourd’hui : « Faut que je me barre, faut que je sorte de l’ordinaire ». En ce moment tout le monde veut sortir de l’ordinaire. Mais faut pas s’étonner après que l’ordinaire, ce soit tout vide… Et en plus en pleine nuit, mais bon, comme dit Gaby : « La nuit, tous les chats sont aigris ».
Tu parles d’un joli conte de Noël…
Il est parti avec mes illusions de bonheurs, mon âme d’enfant, mes souvenirs et surtout mon frigo… et ça, c’est dégueulasse. Bon, je l’avoue, je ne devrais pas prendre autant les choses à cœur. Il vit sa vie et c’est bien… Mais même si ce n’est qu’un coup de déprime, que voulez-vous ? Je vois les choses en noir. Et ça ne date pas d’hier. J’ai toujours tout vu en noir ; à commencer par ma mère, qui était veuve. Et puis, j’ai toujours pensé que notre passé était sinistre et notre présent invivable. Heureusement qu’on n’a pas d’avenir. Et après ça, on voudrait que je fasse la fête pour Noël. Mais moi j’ai aucune raison de faire la fête. Même la fête du beaujolais pour moi, c’est pas nouveau. J’en bois tout le temps. Enfin, je suis quand même allé à la messe de minuit, mais c’était plus pour Dieu que pour moi.
Je crois que ce qui me chagrine le plus, c’est qu’en partant, il a emporté aussi ma jolie colocataire. Va savoir, il devait l’aimer plus que moi. Comme dit Gaby : « Mon plus grand chagrin d’amour, c’est que personne ne m’aime ».
Heureusement qu’il nous reste le bistrot et les copains de comptoir. Sans eux, je finirais miséreux comme ce pendu qui avait ces vêtements usés jusqu’à la corde. Et honnêtement je suis d’accord avec Gaby, quand il dit : « Ils peuvent toujours chercher, y aura pas de vie sur mars tant qu’il n’y aura pas un bistrot ».
Bon mon chat est parti ; et je reste tout seul
Avec mon amour propre qui me tire une sale gueule
J’en ferais bien de la poésie, mais que voulez-vous, je fais dans l’Alexandrin unijambiste… Il me manque toujours un pied…
Je suis désolé, mais comme dit Gaby : « En cette période de fête j’aurais aimé finir par un message positif, mais je n’en ai pas. Est-ce que deux messages négatifs vous iraient ? »
En tout cas, mon chat, y aura toujours un coup à boire pour toi à la maison.

lundi 3 décembre 2012

Lettre d'un retraité à son banquier

Dans un genre un peu différent de mes chroniques...
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À M. G, conseiller financier
Monsieur,

J’imagine votre surprise de recevoir une lettre de ma part, notre dernier entretien s’étant très mal terminé. Vous vous attendez sans doute au pire, mais je souhaiterais, avant de formuler l’objet de ma lettre, vous présenter des excuses concernant certaines paroles que j’ai pu prononcer et certains actes que j’ai pu commettre. Je n’aurais effectivement jamais dû vous insulter. Vous traiter de « gros porc impérialiste », de « résidu de spermatozoïde », de « salopard », d’« enflure », était parfaitement contre-productif au bon déroulement de notre entrevue. Pour ma défense, cela était dû à l’émotion provoquée par votre incroyable nouvelle.
            Comprenez que de découvrir que toutes ses économies, l’épargne de toute une vie, s’étaient tout bonnement envolés, par la faute de vos choix de placement parfaitement désastreux aurait eu de quoi en énervé plus d’un.
Vous m’avez demandé d’essayer de vous comprendre, et une fois l’émotion disparut, c’est effectivement ce que j’ai essayé de faire. Vous m’avez déclaré n’être en rien responsable de la perte de mes économies, que ce sont des choses qui arrivaient, que le risque lié à ces investissements n’était pas élevé et qu’il n’y avait aucun signe avant-coureur, aucun moyen pour vous d’éviter le désastre, le revers de fortune que j’ai subi. Je me rends bien compte maintenant que le véritable responsable de cet échec, c’est bel et bien moi, puisque jamais je n’aurais dû vous faire confiance, et j’ai bien retenu la leçon. Je vous présente encore fois mes excuses pour avoir essayé de vous marteler la tête contrer votre photocopieuse, d’avoir jeté la plante verte à travers votre fenêtre, frappant ainsi votre secrétaire.
Veuillez également lui présenter mes excuses ainsi qu’à vos deux collègues qui ont dû me jeter de votre bureau et qui ont dû abîmer leurs beaux costumes dans cet exercice périlleux. Ce sont tout de même eux, je tiens à vous le signaler, et la violence dont ils ont fait preuve qui ont fini par me convaincre de la démarche que j’entreprends maintenant. Je me dis que sans vos deux marcassins, tout aurait pu être différent.
Passons maintenant à l’objet de cette lettre : ceci est un hold-up. Ne riez pas, il ne s’agit pas d’une mauvaise plaisanterie. La lettre que vous tenez actuellement a été préalablement recouverte de poudre de ricine par mes soins. La ricine, vous l’ignorez peut-être, est un poison extrêmement toxique qui, une fois inhalé ou absorbé par voie cutanée, ne mets que quelques minutes à agir. Vous devriez d’ailleurs déjà en éprouver quelques symptômes : Irritation oculaire, larmoiement, détresse respiratoire… À une certaine dose, l’empoisonnement à la ricine est réputé incurable. La bonne nouvelle pour vous est que j’ai fait partie de l’équipe de chercheurs qui a travaillé sur un antidote. Celui-ci fut ensuite amélioré par mes soins pour vous convenir parfaitement.
Vos problèmes respiratoires doivent avoir augmenté, je suis donc sûr d’avoir votre pleine attention.
Cet antidote est caché dans le coffre de votre bureau, dont j’ai préalablement changé le code. Je vous recommande de ne pas essayer de le forcer. Comme vous me l’avez vous-même dit lors de notre première rencontre, vos coffres-forts sont inviolables…
Ma demande est très simple, je veux seulement être remboursé. Je souhaite que vous effectuiez un virement sur le compte suivant (R589624FG45569565DE12331496547) d’un montant de 38 000 euros qui correspond à la somme que j’ai déposée sur le plan d’épargne retraite que vous m’avez fait souscrire. Vous pouvez prendre ce montant sur le ou les comptes que vous souhaitez et les justifier comme bon vous semble. D’autre part, pour vous punir de votre incompétence, je souhaite que vous me versiez l’intégralité de vos cinq ans de salaire que vous avez gagné en étant mon conseiller privé, ce qui correspond, si je ne m’abuse, à une valeur de 150.000 euros. Je veux que cette somme provienne de votre compte uniquement.
Quand j’aurai la confirmation du virement, je vous transmettrai le code. Bien en tendu vous pouvez toujours prévenir la police et le SAMU, mais il me semble que cela ne soit pas du tout de votre intérêt. Il vous faut savoir que la formule du poison que vous avez inhalé ainsi que celle de son antidote sont parfaitement unique et intéresseront grandement les autorités sanitaires lorsqu’elles l’étudieront à l’autopsie. De plus, il serait inhumain de votre part d’appeler à l’aide et ainsi exposer d’autres personnes à l’air empoisonné de la pièce dans laquelle vous vous trouvez. La quantité d’antidote que je me propose de vous fournir ne peut valoir que pour une personne.
Il vous reste encore quelques heures avant que vous ne fassiez un syndrome de détresse respiratoire aigüe ou encore un choc anaphylactique.
Vous voyez, finalement, on est bien peu de choses, et lorsque toutes les certitudes, tous les espoirs sur lesquels on a fondé sa vie disparaissent, il est nécessaire de faire l’impensable afin d’assurer sa survie. Cette leçon, je l’ai apprise grâce à vous et je pense que de vous l’apprendre à mon tour vous permettras, à l’avenir, d’être plus respectueux envers les quelques malheureux dont vous avez encore la charge de « conseiller ».
            Je ne souhaite pas vous retarder plus longtemps, comme vous me l’avez souvent fait remarquer, lors de mes plaintes ces derniers mois, votre temps est précieux.

Dans l’attente de votre réponse que j’espère lucrative,
Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mon plus profond mépris

Jacques Arnault, chercheur au CNRS

Post-Scriptum : Il serait pervers ici de continuer ce petit jeu en vous faisant perdre encore du temps à lire mes inepties. Mais je souhaiterais ajouter que si vous trouvez mon procédé immoral, sachez que c’est vous qui m'avez appris cette attitude, que je résumerai par cette sentence : « L’argent n’a pas d’honneur ».
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vendredi 23 novembre 2012

Comment transmettre un message d’espoir aux jeunes générations ?


Ça y est, je suis devenu parrain… Depuis le mois d’aout. Ça m’a fait un choc, dit donc... Avant, je pensais que faire des enfants c’était de l’inconscience pure et simple vu l’avenir qui nous attend. D’ailleurs, c’est bien simple, la planète, moi, je ne veux pas la léguer à mes enfants, mais plutôt à mon voisin qui n’a pas de jardin.
N’empêche que quand j’ai vu ce tout petit bout, j’ai décidé de devenir un exemple irréprochable. J’ai même arrêté de picoler.
Enfin… Sauf à l’apéro avec les copains, parce que quand même, j’ai le verre solidaire. Ou lors de grande occasion. Ou quand je suis déprimé… Il m’est arrivé aussi, à l’occasion de boire un coup, car j’avais la vue qui baissait. Après tout l’apéro, ce sont des verres de contact…Bon, je le reconnais, j’ai pas vraiment arrêté de picoler, mais que voulez-vous, chassez le naturel et il revient au goulot…
N’empêche que j’ai sensiblement essayé de m’améliorer. J’ai même acheté tout un tas de livres de développement personnel. Mais voyant que ça ne marchait pas, j’ai décidé d’écrire ma propre méthode pour bien vivre. La vie mode d’emploi, quoi ! en espérant que cela pourra servir aux jeunes générations qui pourront ainsi aborder la vie gaiment, remplit d’espoir et d’insouciance. Oui, mais comment transmettre un message d’espoir aux jeunes générations ?
Quels conseils adressés à ce petit être fragile, qui ne sait même pas qu’il a chopé la pire des maladies sexuellement transmissibles qui soit : La vie.
Lui qui est en train de vivre le meilleur moment de son existence. Ben oui, quoi, il passe son temps au plumard ou entre les seins d’une jolie fille. J’aimerais bien consacrer mes journées aux mêmes activités.
Lui qui aborde un monde vide de sens et bientôt vide d’essence. Un monde rempli d’absurdité, d’incohérence de paradoxe. Après tout comme dit Gaby « Dieu est mort, Nietzche est mort, et moi-même je ne me sens pas très bien ».
Ô tu vas me dire, toi qui me lis, que quand même, c’est beau la jeunesse, que l’avenir lui appartient. Rassurez jeunesse du monde entier, l’avenir vous appartient… à condition que vous ayez les moyens de vous l’offrir.
Mais bon, je vais faire un effort, mon cher filleul, je vais essayer de te donner quelques conseils pour tenter de survivre dans ce vaste monde, tu découvriras bien assez vite que l’horreur est humaine.
D'abord, profite de ta jeunesse autant que tu le peux. Essaie de prendre un maximum de la sagesse de tes parents, de tes grands parents. Écoute-les bien, après tout, les vieux, c’est la mémoire de la société, même si ces cons-là souvent, ils ne se souviennent de rien.
Concernant l’amour, c’est pas bien compliqué. L’amour, c’est des grands mots avant, des petits mots pendant, et des gros mots après. J’exagère, ça peut quand même bien se passer. Après tout, si l’homme descend du singe, la femme doit descendre du songe.
Faudra que t’ailles bosser pour pouvoir gagner ta vie, l’avoir paraît que ça ne suffit pas. Alors plutôt que de jongler entre plein de petit boulot, deviens acrobate : c’est un job à tremplin.
Essaie de faire la révolution, c’est rigolo et ça passe le temps. En plus, je pense que tu auras de quoi faire. J’ai remarqué que la fracture sociale avait empiré, maintenant on voit l’os.
Mais mon principal conseil, le voici : dans le doute, absinthe-toi. Et puis va trouver Gaby, c’est un bon compagnon de bistrot. Même si avec tout le pinard qu’il descend, même ses globules blancs sont rouges. Et ne crains de faire dans le delirium anorexique. Comme dit Mr Betty (un breton qu’a largué les amarres dans mon rade et dont je te parlerais une autre fois) : « C’est pas ma main qui tremble, c’est mon verre qui a peur ».
J’aurais vraiment essayé de transmettre un message d’espoir, mais je crois que ce soir, c’est foutu. Quoique peut être que je me plante, tout n’est peut-être pas si noir. Je ne crois pas comme Rousseau que la nature est bonne et que l’homme est mauvais. Au bistrot, on est plutôt contre cette idée, et on est d’accord avec Gaby quand il dit : « L’homme est bon, mais le veau c’est meilleur ».
Comment transmettre un message d’espoir ? Je n’en ai aucune idée. Mais je sais, ô lecteur affable et aphone, que tu t’en fous. Et franchement tu as raison.