mercredi 4 mars 2015

Les grandes inventions

Dans un bureau, deux hommes s'ennuient fermement.
Le téléphone sonne.
Une fois.
Deux fois.
Trois fois

UN: Et bien vous ne répondez pas ?
DEUX : lisant son journal Qu'est ce que vous dites ?
UN : Le téléphone sonne là. Vous ne répondez pas ?
DEUX : Et pourquoi ce serait à moi de répondre ?
UN : Vous êtes plus près du téléphone que moi.
DEUX : Comment ça ? Je vous signale que le téléphone est exactement entre nous deux.
UN : Oui mais c'est pas une question d'espace.
DEUX : Pas une question d'espace ?
UN : Non.
DEUX : Mais alors quoi ?
UN : De temps.
DEUX : Mais qu'est ce que vous racontez ?
UN : On sait depuis Einstein que l'espace et le temps sont intimement liés. Comme la sonnerie met plus de temps à m'arriver, alors je suis physiquement plus éloigné.
DEUX : Et pourquoi qu'elle mets plus de temps, la sonnerie ?
UN : C'est parce que je suis à moitié sourd. J'entends moins bien. Alors forcément, le temps que prend mon cerveau pour traiter l'information, ça m'éloigne.
DEUX : Ça vous éloigne ?
UN : Oui, et c'est pas moi qui le dit c'est la science. Avec un grand S.
DEUX : Alors si c'est la science...

DEUX fait un mouvement pour aller  décrocher le téléphone. Le téléphone s'arrête. DEUX se rassoit. Silence.

UN : Et vous ?
DEUX : Moi quoi ?
UN : Pourquoi n'avez vous pas décroché ? Vous l'avez dit, le téléphone est exactement entre nous deux.
DEUX : C'est à cause de ma cousine Paulette.
UN : Qu'est ce qu'elle a votre cousine Paulette ?
DEUX : Ben elle a décidé d'inventer.
UN : D'inventer quoi ?
DEUX : D'inventer le téléphone.
UN : Quoi ? Mais il a déjà était inventé. Par Graham Bell en 1876.
DEUX : Oui c'est ce que je lui ait dit.
UN : Et alors qu'est ce qu'elle a répondu ?
DEUX : Elle m'a dit merci.
UN : Merci de quoi ?
DEUX : De la trouver belle.
UN : Pourquoi ?
DEUX : C'est à dire qu'elle est moitié sourde. Alors elle a mal compris.
UN : Comme la mère et le sœur de Bell, d'ailleurs.
DEUX : Oui, c'est une drôle de coïncidence. C'est peut être inhérent aux grands inventeurs.
UN : Je ne crois pas qu'Einstein n'ait jamais eu de problème de surdité.
DEUX : C'était plutôt un problème d'élocution. On ne le croyait pas.
UN : Einstein on ne le croyait pas ?
DEUX : Non, il a fallu des années avant qu'on se rende compte de son génie. Mais c'est comme ça la science avec un grand S.

Le téléphone sonne

UN : Vous ne décrochez pas ? Je vous ai dit moi, je ne l'entends même pas cette sonnerie, je suis sourd.
DEUX : Vous n'êtes pas fou ? Et si c'était Paulette ?
UN : Et si c'était elle ?
DEUX : C'est à dire que depuis qu'elle a décidé d'inventer le téléphone, elle n'arrête pas de m'appeler pour me faire part de ses découvertes. Et j'en ai toujours pour des heures.
UN : Et alors ?
DEUX : Alors ça avance bien. Elle devrait avoir des résultats d'ici peu.
UN : Graham Bell serait content, qu'on le découvre une deuxième fois.
DEUX : De toute façon, Bell aussi a été le second à découvrir le téléphone. Alors si ça lui chante à Paulette, de découvrir le téléphone, je vois pas où est le mal. Par contre, je trouve fort regrettable qu'elle tienne absolument à ce que je l'utilise.
UN : C'est contraignant !
DEUX : Tout à fait. Bell lui même, après avoir découvert le téléphone, s'est empressé de ne surtout pas en installer chez lui.
UN : Oui, il s'est vite rendu compte de l'aspect néfaste de son invention
DEUX : D'autant que ce n'est même pas lui qui l'avait inventé, il ne pouvait donc pas s'en vouloir.
UN : Au moins, faut reconnaître que la théorie d'Einstein, ça faisait moins de bruit.
DEUX : Oui, enfin, ça a fait la bombe atomique quand même.
UN : C'est vrai. Et la bombe atomique, ça a fait un sacré boucan.
DEUX : Mais au moins après, on était plus obligé de se cogner le téléphone.
UN : Oui c'est l'avantage de la science avec un grand S.

Le téléphone cesse de sonner.

UN : Quand même. Et si c'était important ?
DEUX : Bah ! Qui pourrait vouloir nous appeler ?
UN : Je sais pas ? Le patron ?
DEUX : Le patron s'il veut nous parler, il n' a qu'à faire une circulaire comme tout le monde. On va pas non plus se mettre à répondre au téléphone. Ce serait la fin de tout. On aurait plus le temps de bosser. Tenez, moi qui suis sourd, comment voulez vous que j'arrive à inventer pendant ce temps là, si le téléphone sonne.
UN : Archimède, il n'aurait jamais pu découvrir son principe si il avait eu le téléphone.
DEUX : D'autant que le téléphone sonne toujours quand on est dans sa baignoire. Alors pensez le pauvre Archimède. La face des mathématiques en aurait été changé.
UN : C'est sûr, si Archimède avait eu le téléphone, on aurait pas pu l'inventer.
DEUX : D'autant que tant qu'on ne sais pas qui nous appelle, on ne peut pas être sur que c'est pour nous.
UN : C'est vrai. Ça devait être un faux numéro.
DEUX : Et on va pas se mettre à répondre à tous les faux numéros non plus ce ne serait absolument pas constructif.
UN : Ou alors c'est Paulette ?
DEUX : Et si c'est Paulette mieux vaut ne pas lui répondre. Parce que si elle m'appelle encore une fois, je sens que je vais être obligé de lui dire que le téléphone a déjà était inventé. Et je sens qu'elle ne s'en remettra pas.
UN : C'est vrai. Et puis comme disait Einstein tout est relatif. Après tout, peut être que le téléphone qu'elle invente est antérieure à celui de Bell.
DEUX : Enfin, s'il est antérieur à Archimède elle ferait bien de se méfier.
UN : On est jamais trop prudent, la science à parfois des répercussions terribles.
DEUX : Oui, la bombe atomique par exemple. Ou le téléphone. Personnellement, je ne sais pas vous mais le téléphone me gêne plus qu'autre chose.
UN : Peut être que votre cousine Paulette est en train d'inventer un téléphone particulier pour les sourds. Un téléphone qu'on entendrait pas.
DEUX : Ce serait pratique, remarquez, pour les entendant aussi. Un téléphone qui ne sonne pas. Comme ça on est sûr de ne pas être dérangé.
UN : Une vrai évolution mon cher.
DEUX : Le progrès est en marche.
UN : Appelons donc votre cousine paulette pour lui faire part de votre idée.
DEUX : Elle risque malheureusement de ne pas répondre. Son téléphone à elle est tout ce qu'il y a de plus normal. Elle n'entendra pas la sonnerie.
UN : Alors que si elle avait inventé le modèle qui ne sonne pas.
DEUX : Elle pourrait ne pas l'entendre de la manière la plus normal qu'il soit
UN : Et on pourrait ainsi lui faire part de votre idée d'un téléphone qui ne sonne pas. Ainsi elle se retrouver à réinventer quelque chose qu'elle a déjà construit. Ce serait un gain d'énergie et de productivité incroyable
DEUX : Tout à fait mon cher. C'est la beauté de la science avec un grand S

Le téléphone sonne.


UN : Ça commence sérieusement à m'agacer cette histoire de sonnerie. Je vais leur répondre, vous allez voir.
UN se dirige vers le téléphone et le décroche brusquement.
Allô, oui j'écoute ! Non, mais ça va pas, vous entendez bien que c'est un bureau ici. Vous croyez qu'on n'a que ça à faire de répondre aux clients. On est en train d'inventer mossieur oui oui. Inventer avec un grand S. D'ailleurs, je ne vous entends pas je suis sourd. Sourd avec un grand S aussi, tout à fait. Oui c'est ça, le bonjour chez vous.
Il raccroche.
Y a vraiment des gens sans gênes des fois, j'vous jure
DEUX : Oui. A vrai dire, je vous envie presque d'être sourd pour ne pas entendre cette horrible sonnerie.
UN : Oh, vous savez, on a beau être sourd, c'est pas pour ça que ça ne nous incommode pas.
DEUX : Je pense que je vais aller trouver Paulette pour lui proposer cette idée.
UN : Oui et tant qu'a faire si vous pouviez ramener un sandwich aux sardines, j'ai faim. Je vous remercie.
DEUX : Je serais d'accord, mais je vous rappelle que nous sommes lundi.
UN : Ah oui, je n'y avait pas pensé. Vous pouvez peut être y aller à bicyclette, alors ?
DEUX : Oui, ça arrangerai bien des choses. Aux sardines donc ? Avec un grand S ?
UN : Non, merci, je me contenterais de deux « e ».
DEUX : En tout cas je vous remercie pour cette plaisante conversation.
UN : Mais avec plaisir mon cher. C'est formidable, hein, toutes ces grandes inventions.
DEUX : C'est d'autant plus amusant, que d'habitude quand on me parle de sciences, je décroche. Avec un grand S.

Noir