Mon
pote Gaby, il dit toujours : « Il ne faut jamais remettre à demain
ce que tu peux faire à une seule ». Aujourd’hui, je te préviens,
j’ai pas envie. J’aurais pourtant plein de trucs à faire. Mais
il y a des matins comme ça où on n’a pas envie de quitter son
paddock. Juste envie de rallumer la flemme qui sommeille en nous, et
de paresser à l'envi. Je vais te dire un truc : si Dieu, le premier
jour de la création avait d’abord inventé la procrastination, on
aurait eu beaucoup moins d’emmerdements.
Des
jours où les bruits de la rue, le ramdam du macadam, le fracas du
goudron, les va et viens des piétons, les hurlements de klaxon, le
vent du nord, le froid qui mord, tout ça devient insupportable. Les
jours où on se fait mal quand on tombe sur l'actualité. Des jours
qui manquent de jour, mais qui semblent pourtant interminables. Des
gens qui s'agitent, qui s'activent, qui s'affairent pour faire croire
qu'ils font quelque chose, qu'ils existent.
L’existence
se résume aujourd'hui, à la possession d’une carte d’identité,
d’un passeport, d’une carte de sécurité sociale, d’une
mutuelle d’une assurance, d’un compte bancaire, d’un contrat de
travail, d’une quittance de loyer, d’un avis d’imposition,
d’une adresse, d’une adresse mail, d’un numéro de téléphone,
d’une facture d’électricité, d’un permis de conduire, d’une
raison sociale. Quelles tristesses.
Moi
qui suis passionné, j'ai le cœur qui bat à cent à l'heure, mais
un cœur qui bat à cent à l'heure, à notre époque tout le monde
le double. Comme dit Gaby : « Il devient urgent de ne rien faire ».
Bien sûr, il y en a toujours pour me dire que ce n'est pas très
sérieux, que je ne devrais pas me mettre en retard, que le temps
c'est de l'argent, qu'on a pas le temps de discuter. Mais moi, à
leur silence d'argent, je préfère ma parole d'or. Et puis comment
leur expliquer que la bourse moi je m'en fous, j'ai choisi la vie.
Alors
écoutez, le monde, je vous le laisse, considérer moi dès à
présent comme déserteur, mais je m'en vais retourner dans mon lit
pour dormir..
Dormir,
dormir... Rêver peut-être... sûrement...
Mon
pote Gaby, il dit toujours : « il est urgent de rêver, car il est
déjà bien tard ».