Lazare, gisant dans son
tombeau
Trois
coups
JÉSUS (OFF) : Lazare, debout. Le monde
frappe à ta porte.
LAZARE : Oh, 5 minutes, j’ai encore
sommeil.
Silence. Trois coups à
nouveau
JÉSUS (OFF) : Lazare, t’as entendu ce
que je t’ai dit. Debout, voyons. Le monde t’attend.
LAZARE : dis-lui que je suis pas là,
que je suis malade, que je suis désolé, mais que là, ça va pas être
possible.
JESUS (OFF) : Allons Lazare, ne fais
pas l’enfant. Lève-toi, voyons !
LAZARE : s’agite dans son lit Non, mais c’est pas
vrai à la fin, On peut plus reposer en paix sans qu’un crétin, vienne vous
ressusciter pour épater les foules. T’es bien gentil, Jésus, mais c’est pas
parce que t’es le fils du propriétaire que tu peux tout te
permettre.
JÉSUS (OFF) : Bon, Lazare, ça suffit
maintenant, lève-toi et plus vite que ça. Sors de ton tombeau qu’on crie «
Alléluia »
LAZARE : Et puis quoi encore. Tu veux
pas aller trouver un autre guignol à ressusciter. Tiens, si je me souviens bien,
David de Bethléem, est mort un peu avant moi. Lui, ça lui plaira surement qu’on
vienne le ressusciter, il a toujours aimé être exposé à la foule, ce
tombeur.
JÉSUS : Entrant dans le tombeau Ah merde, David
est mort
LAZARE : Je crois qu’il s’est fait
renverser par un chariot en revenant de Jérusalem. Il venait de fêter ses 33
ans
JÉSUS Putain, c’est jeune quand
même
LAZARE Oui, on est peu de
chose…
Silence
JÉSUS Bon, on fait quoi là,
maintenant ? J’ai une foule dehors, qui attend un miracle. Et toi, tu rechignes.
Tu ne voudrais pas faire un effort ? Pour moi ?
LAZARE Laisse tomber, Jésus. Et c’est
pas la peine de dire que ça ferait plaisir à Marthe et à Marie, je culpabilise
assez comme ça.
JESUS Mais je comprends pas pourquoi tu
ne veux pas ressusciter.
LAZARE Ca fait trop
mal
JÉSUS Elle est pas belle la
vie ?
LAZARE C’est pas ça. Je veux dire, oui
c’est sûr, ça me ferait plaisir de refaire le con avec les copains, de revoir la
Galilée, et de boire un coup avec toi la prochaine fois que tu changeras l’eau
en vin.
JESUS Ben alors, sors avec
moi
LAZARE Je suis bien ici, c’est calme.
Certes, je ne fais pas grand-chose, n’empêche, c’est reposant. Pis surtout, je
suis pas obligé de me coltiner les hommes toutes la
journée
JÉSUS : Allons Lazare, ne parle pas
comme ça, tu sais bien qu’il faut s’aimer les uns les autres. Nous sommes tous
enfants de Dieu, et papa est amour.
LAZARE : Parlons en tiens, de Papa est
amour. Ah il a dû drôlement les aimés, ses enfant de Sodome et Gomorrhe avant de
les carboniser avec le feu du ciel.
JÉSUS : Un père est bien obligé
d’apprendre à ses enfants à bien se comporter
LAZARE : Ben permets moi de penser que
le déluge, c’est quand même une drôle de méthode d’éducation .Tu trouves ça
normal toi, pour un père qui dit aimer ses enfants, qu’il y est tant d’injustice, tant de misère et de
violence. Il aime tous les hommes peut-être, mais il a quand même ses
préférés.
JÉSUS : Il a laissé à l’homme le libre arbitre,
comme preuve de son amour.
LAZARE : Aux chiottes, le libre
arbitre. Tu peux m’expliquer de quoi on est libre exactement. De choisir dans
quel travail on va aller se faire exploiter ? Dans quel taudis on va aller
vivre ? Aux caprices de quel roi nous allons nous soumettre ? Au bord de quel
cœur, on va aller s’humilier ? À quel arbre nous allons nous
pendre ?
JÉSUS :
T’exagères.
LAZARE : Bien sûr que j’exagère. Mais
Jésus, tu ne gagneras pas. Hier tu as chassé les marchands du temple,
aujourd’hui ils sont deux fois plus nombreux. La lapidation continue et ils sont
nombreux à vouloir te jeter la première pierre. Et après tu ne comprends pas
pourquoi je ne veux pas sortir. Moi je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas
rester.
JÉSUS : Parce que je le dois. Entre
nous, ce boulot de messie, c’est pas une sinécure. Tout un tas de cons, qui
comprennent mes paroles à l’envers. Je leur dis « exploiter vos talents » et ils
pensent qu’il s’agit de la monnaie…
LAZARE Tu vois, Jésus, entre nous les
hommes sont finis. Reste là, reste avec moi. On est bien tous les deux. Et Puis
on va pouvoir dormir…enfin dormir…
Lazare s’endort
.Silence
JÉSUS : Mais qu’est-ce que je vais dire
à mon père ?
Noir