mercredi 29 mai 2013

De la natation paresseuse...

Mon pote Gaby, il dit des fois « La vie est un long fleuve tranquille, mais encore faut-il savoir nager ». Longtemps j'ai eu un peu du mal avec cette image, je veux dire, l'eau comme concept ça ne me parlait pas trop. Et Ben depuis que Gaby m'a apprit à nager dans le flot de ces paroles, je n’échangerais ça pour rien au monde. Comme il dit souvent :« Quantité de personnes ont une âme qui adore nager. Dommage, on les appelle vulgairement des paresseux ».
Enfin, moi je ne me baignerais pas dans n'importe quels discours quand même. Y a des risques. J'ai connu un homme politique, il s'est retrouvé enfermé dans une parenthèse qu'il avait ouverte et qu’il avait oublié de refermer. Et au bistrot, l'autre jour, il y a un militaire qui s'est noyé dans un Verdun. Alors je me méfie toujours un peu. Y n’a pas de paroles sans risque. Comme dit Gaby : « les mots en l'air finissent toujours par retomber ». Je ne goute pas de tous les mots. Il y a des mots salés sucrés, aigres ou amers. Des mots doux, des mots durs. Des mots crus ou cuits. Les mots on les mâche, les avale, les crache ou les digère.
Mais les paroles de Gaby, je les bois littéralement. J'aime nos conversations, qui poussent doucement à la rêverie, sans y chercher trop de cohérence. Car comme il dit toujours. « Aimer c'est un verbe irréfléchi ». Et quand la soirée s'achève, la tête un peu lourde du vin, de la bière et des phrases échangées, on fume une dernière sèche devant le bistrot. Quand on a terminé, le patron vient jeter un dernier coup devant, pour nettoyer. Gaby m'arrache toujours un dernier sourire en constatant gravement : « Seau d'eau, mégot mort ».
Il est comme ça Gaby, il aime jouer avec les mots. Pour être honnête, ça m’amuse aussi beaucoup. Parfois, on fait des calembours tellement navrants que les gens lèvent les yeux au ciel. Mais comme il leur dit si bien « Inutile de regarder en l’air, y a pas un bistro dans cette direction. »
Faut dire que c’est un plaisir, trousser la langue, qu’elle rougisse et se verdisse, qu’on s’amuse à empiler des syllabes et faire tenir ce fragile équilibre au moment d’une pirouette verbale périlleuse, jouer avec les mots et répéter chaque jour : « je ne serais plus jamais aussi jeune qu’aujourd’hui. »
Mêler cette langue avec d’autres par gout du jeu, la rendre interlope. L’autre jour au bistrot y a un tchèque sans provision qui a débarqué. Alors Gaby lui a payé un coup. L’autre voulait le rembourser, mais bon comme dit Gaby « A Vienne que pourras ».
Du coup à force de nager, de gouter et d’entendre tous ces jeux de mots laids, j’ai eu envie d’écrire moi aussi. Même si en ce moment, j’ai la muse paresseuse. Pourtant, j’ai joué de l’encrier sur ma page écrue, j’ai écrit et j’ai crié pour qu’elle revienne, mais elle fait la sourde oreille, je crois.
Ce n’est pas grave, je continue quand même.
Par désir de ma muse qui s’amuse de mes discours maladroits, de mes dithyrambes infâmes, de ma logorrhée insoutenable. J’écris pour elle, car me prenant pour Dieu, à chaque jour recommencé, j’écris le monde à son image.

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