mercredi 15 mai 2013

Des goûts du travail...

Toi qui me lis, je souhaite ce soir utiliser cette tribune numérique afin de pousser un cri triomphant pour manifester la joie qui m’étreint fougueusement, comme Lenny étreignait son lapin, mais non, allons, fais, pas ces yeux-là c’est une référence à Des souris et des Hommes de Steinbeck, qui traite justement de ce sujet qui me rends tellement heureux et dont je vais t’entreprendre si tu cesser de m’interrompre grossièrement
Youhouououohuou donc
Ca y es je suis le 3 220 601e chômeur de France, depuis vendredi. Depuis le temps que j’attendais ça. Et j’en remercie grandement Jean François Copé et Laurence Parisot qui m’ont grandement aidé à faire ce choix. Ils n’arrêtaient pas de dire qu’il fallait libérer le travail. Ben maintenant, c’est bon, tu peux y aller Jean François, ma place est libre.
Ô je sais ce que tu vas me dire, que je devrais avoir honte de tenir un pareil discours à l’heure de la crise et de l’austérité. Mais que veux-tu, déjà tout petit, je n’aimais pas me lever le matin pour aller à l’école, je voulais faire comme la rivière, suivre mon cours sans quitter mon lit. Alors honnêtement, aujourd’hui, je me sens franchement plus libre. Tu vas me dire à nouveau que c’est scandaleux que je me permette de dire ça alors que le chômage en France ait battu le record de 1997, que ce soit pareil en Italie, en Espagne ou en Grèce. Qu’il faut faire des sacrifices, produire et consommer pour redonner à la France ce teint juvénile et la fraiche innocente du temps de sa trentaine glorieuse et rayonnante ! Ben moi, je ne suis pas sûr que ça en vaille la peine. D’abord parce que comme dit Boris Vian, le travail c’est l’opium du peuple, et je ne tiens pas à faire une overdose. Et franchement, les trente glorieuses, c’est aussi le développement d’une idée de la société et du bonheur par capitalisation qui mérite aujourd’hui d’être abandonnée.
Nos patrons, nos dirigeants nous répètent tellement à longueur de temps qu’il faut reprendre goût au travail et à l’effort, que tout un chacun s’empoisonne la vie avec ça, cherche à devenir le plus productif, le plus compétitif sans ce demander à un seul instant si c’est bien utile ce qu’on fait. Si j'étais médecin, je prescrirais des vacances à tous les patients qui considèrent que leur travail est important pour prévenir les risques de dépression nerveuse. Forcément y a de la souffrance qui apparait. Et le pauvre gars qu’on licencie parce qu’on a trouvé un autre pauvre type ailleurs qui veut bien faire le même boulot pour six fois moins, lui il est triste en pleurs, perdus, qu’on lui ait piqué son outil de travail qu’était toute sa vie. C’est absurde.
Absurde qu’un chômeur se retrouve dans un tel état de désespoir qu’il se retrouve à s’immoler
Absurde qu’on embauche des secrétaires trilingues, pour lécher des timbres avec une seule langue.
Absurde que près de la moitié de ce qu'on produit est destiné à devenir immédiatement déchet pour le plaisir d’un bel emballage.
Et si pour avoir le sens des affaires faut perdre le sens de l’humour, alors non-merci. Moi, je n’en veux pas, je vous le laisse. Ô, mais ça ne veut pas dire que je vais ne rien faire. Au contraire, à moi le bénévolat, l’engagement citoyen, les activités si nécessaire comblées par les associations, car les marchands n’ont pas trouvé ça très rentable. Le problème c’est que prendre soin, prendre le temps de s’intéresser à l’autre, réfléchir, rêver, créer, ça n’a pas de prix. Eux et moi, on est quand même d’accord sur une chose, c’est que le temps c’est de l’argent. Et depuis que je suis chômeur, je me sens honteusement riche.
Les Espagnoles eux, ils ont su profité de leurs chômages de masse pour aller investir les rues et reconstruire un mouvement social solidaire sans leader. Ils fêtent même leur deux ans demain, c’est-à-dire aujourd’hui (car je sais que vous lirez ma chronique aujourd’hui, mais comme je l'ai écrite la veille, pour moi, aujourd’hui c’est demain, et pour vous, aujourd'hui, pour moi c’est hier, c’est clair non ?).
Alors, Travailleur de tous les pays, licenciez-vous. Quittez vos jobs, laissez tout en plan. Cessez de croire que le travail, que le fait de produire peut vous enrichir, depuis le temps ça se saurait. Arrêter de les écouter quand il vous explique que vous absolument besoin de ceci, ou de cela et même plutôt des deux pour être heureux. C’est simple au fond : Plus y a de pauvres moins il y a de riche, moins il ya de riches moins il ya de pauvres, donc plus il y a de pauvres moins il y a de pauvres.
On arrête de perdre notre énergie dans des choses trop sérieuses comme le chômage ou la dette et on s’intéresse à des choses futiles comme la vie, l’amour, le respect de la nature, la solidarité. Et eux en haut de leur tour d’ivoire auront beau nous expliquer qu’il faut produire, consommez, épargner, obéir, on se reconstruira notre petit monde tout en bas et pis on les invitera pas. On ne leur répondra pas. À leurs paroles d’argent, on opposera notre silence d'or. Un énorme ronflement. La lutte en dormant.
Bon, je m’enflamme, je l’avoue, mais que veux-tu l’émotion. Faut pardonner mes prises de position facile et mes blagues pas drôles, mais faut dire aussi que je suis un marxiste tendance Groucho.
Tu sais ce que j’ai fait le premier jour de mon heureux chômage ? J’ai mis mon réveil à 5h30 pour le plaisir de me rendormir. Et juste avant de me plonger dans mes songes, j’ai eu une pensée émue pour la France qui se lève tôt. Les boulangers, les éboueurs, les infirmières, les auxiliaires de vie, les c’eusses qui vont bosser à l’usine et surtout ce qui affiche des publicités hautes en couleur qui leur font espérer des lendemains qui chante. Mais, afficheur, si tu veux chanter vas-y, maintenant. Comme je disais tout à l’heure : demain, c’est aujourd’hui. Ton avenir, il a été déjà été racheté avec ton salaire ton loyer, ton épargne. Y a plus de Futurs, alors fait ce qui te chante maintenant.
Comme dit Gaby : « L’avenir appartient à ceux dont les ouvriers se lèvent tôt." *
Ceux qui se lèvent tôt n’ont plus que leur présent.
Ceux qui se lèvent tôt il n’ont la peur qui grandit quand il se rapproche du taf.
Ceux qui se lèvent tôt, ils ont la rage au ventre, mais la résignation leur fait courber l’échine. Et ils se lèvent quand même sous le braillement de la radio, sous le flot ininterrompu des paroles creuses, des discours en bois qui donnent la furieuse envie de fabriquer du silence à coup de poing. Et jour après jour, ils y vont quand même.
 
En espérant que ceux qui se couchent tard racontent leurs histoires. **

* Phrase amicalement prété par Aiphix le chroniqueur Haineux
http://lahaineaveuglenestpassourde.blogspot.fr/
** Phrase amicalement prété par Ben.G
http://desparolesalapelle.wordpress.com/ 


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