Toi
qui me lis, je souhaite ce soir utiliser cette tribune numérique
afin de pousser un cri triomphant pour manifester la joie qui
m’étreint fougueusement, comme Lenny étreignait son lapin, mais
non, allons, fais, pas ces yeux-là c’est une référence à Des
souris et des Hommes de Steinbeck, qui traite justement de ce sujet
qui me rends tellement heureux et dont je vais t’entreprendre si tu
cesser de m’interrompre grossièrement
Youhouououohuou
donc
Ca
y es je suis le 3 220 601e chômeur de France, depuis vendredi.
Depuis le temps que j’attendais ça. Et j’en remercie grandement
Jean François Copé et Laurence Parisot qui m’ont grandement aidé
à faire ce choix. Ils n’arrêtaient pas de dire qu’il fallait
libérer le travail. Ben maintenant, c’est bon, tu peux y aller
Jean François, ma place est libre.
Ô
je sais ce que tu vas me dire, que je devrais avoir honte de tenir un
pareil discours à l’heure de la crise et de l’austérité. Mais
que veux-tu, déjà tout petit, je n’aimais pas me lever le matin
pour aller à l’école, je voulais faire comme la rivière, suivre
mon cours sans quitter mon lit. Alors honnêtement, aujourd’hui, je
me sens franchement plus libre. Tu vas me dire à nouveau que c’est
scandaleux que je me permette de dire ça alors que le chômage en
France ait battu le record de 1997, que ce soit pareil en Italie, en
Espagne ou en Grèce. Qu’il faut faire des sacrifices, produire et
consommer pour redonner à la France ce teint juvénile et la fraiche
innocente du temps de sa trentaine glorieuse et rayonnante ! Ben moi,
je ne suis pas sûr que ça en vaille la peine. D’abord parce que
comme dit Boris Vian, le travail c’est l’opium du peuple, et je
ne tiens pas à faire une overdose. Et franchement, les trente
glorieuses, c’est aussi le développement d’une idée de la
société et du bonheur par capitalisation qui mérite aujourd’hui
d’être abandonnée.
Nos
patrons, nos dirigeants nous répètent tellement à longueur de
temps qu’il faut reprendre goût au travail et à l’effort, que
tout un chacun s’empoisonne la vie avec ça, cherche à devenir le
plus productif, le plus compétitif sans ce demander à un seul
instant si c’est bien utile ce qu’on fait. Si j'étais médecin,
je prescrirais des vacances à tous les patients qui considèrent que
leur travail est important pour prévenir les risques de dépression
nerveuse. Forcément y a de la souffrance qui apparait. Et le pauvre
gars qu’on licencie parce qu’on a trouvé un autre pauvre type
ailleurs qui veut bien faire le même boulot pour six fois moins, lui
il est triste en pleurs, perdus, qu’on lui ait piqué son outil de
travail qu’était toute sa vie. C’est absurde.
Absurde
qu’un chômeur se retrouve dans un tel état de désespoir qu’il
se retrouve à s’immoler
Absurde
qu’on embauche des secrétaires trilingues, pour lécher des
timbres avec une seule langue.
Absurde
que près de la moitié de ce qu'on produit est destiné à devenir
immédiatement déchet pour le plaisir d’un bel emballage.
Et
si pour avoir le sens des affaires faut perdre le sens de l’humour,
alors non-merci. Moi, je n’en veux pas, je vous le laisse. Ô, mais
ça ne veut pas dire que je vais ne rien faire. Au contraire, à moi
le bénévolat, l’engagement citoyen, les activités si nécessaire
comblées par les associations, car les marchands n’ont pas trouvé
ça très rentable. Le problème c’est que prendre soin, prendre le
temps de s’intéresser à l’autre, réfléchir, rêver, créer,
ça n’a pas de prix. Eux et moi, on est quand même d’accord sur
une chose, c’est que le temps c’est de l’argent. Et depuis que
je suis chômeur, je me sens honteusement riche.
Les
Espagnoles eux, ils ont su profité de leurs chômages de masse pour
aller investir les rues et reconstruire un mouvement social solidaire
sans leader. Ils fêtent même leur deux ans demain, c’est-à-dire
aujourd’hui (car je sais que vous lirez ma chronique aujourd’hui,
mais comme je l'ai écrite la veille, pour moi, aujourd’hui c’est
demain, et pour vous, aujourd'hui, pour moi c’est hier, c’est
clair non ?).
Alors,
Travailleur de tous les pays, licenciez-vous. Quittez vos jobs,
laissez tout en plan. Cessez de croire que le travail, que le fait de
produire peut vous enrichir, depuis le temps ça se saurait. Arrêter
de les écouter quand il vous explique que vous absolument besoin de
ceci, ou de cela et même plutôt des deux pour être heureux. C’est
simple au fond : Plus y a de pauvres moins il y a de riche, moins il
ya de riches moins il ya de pauvres, donc plus il y a de pauvres
moins il y a de pauvres.
On
arrête de perdre notre énergie dans des choses trop sérieuses
comme le chômage ou la dette et on s’intéresse à des choses
futiles comme la vie, l’amour, le respect de la nature, la
solidarité. Et eux en haut de leur tour d’ivoire auront beau nous
expliquer qu’il faut produire, consommez, épargner, obéir, on se
reconstruira notre petit monde tout en bas et pis on les invitera
pas. On ne leur répondra pas. À leurs paroles d’argent, on
opposera notre silence d'or. Un énorme ronflement. La lutte en
dormant.
Bon,
je m’enflamme, je l’avoue, mais que veux-tu l’émotion. Faut
pardonner mes prises de position facile et mes blagues pas drôles,
mais faut dire aussi que je suis un marxiste tendance Groucho.
Tu
sais ce que j’ai fait le premier jour de mon heureux chômage ?
J’ai mis mon réveil à 5h30 pour le plaisir de me rendormir. Et
juste avant de me plonger dans mes songes, j’ai eu une pensée émue
pour la France qui se lève tôt. Les boulangers, les éboueurs, les
infirmières, les auxiliaires de vie, les c’eusses qui vont bosser
à l’usine et surtout ce qui affiche des publicités hautes en
couleur qui leur font espérer des lendemains qui chante. Mais,
afficheur, si tu veux chanter vas-y, maintenant. Comme je disais tout
à l’heure : demain, c’est aujourd’hui. Ton avenir, il a été
déjà été racheté avec ton salaire ton loyer, ton épargne. Y a
plus de Futurs, alors fait ce qui te chante maintenant.
Comme
dit Gaby : « L’avenir appartient à ceux dont les ouvriers se
lèvent tôt." *
Ceux
qui se lèvent tôt n’ont plus que leur présent.
Ceux
qui se lèvent tôt il n’ont la peur qui grandit quand il se
rapproche du taf.
Ceux
qui se lèvent tôt, ils ont la rage au ventre, mais la résignation
leur fait courber l’échine. Et ils se lèvent quand même sous le
braillement de la radio, sous le flot ininterrompu des paroles
creuses, des discours en bois qui donnent la furieuse envie de
fabriquer du silence à coup de poing. Et jour après jour, ils y
vont quand même.
En
espérant que ceux qui se couchent tard racontent leurs histoires. **
* Phrase amicalement prété par Aiphix le chroniqueur Haineux
http://lahaineaveuglenestpassourde.blogspot.fr/
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Phrase amicalement prété par Ben.G
http://desparolesalapelle.wordpress.com/
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